Château de Carrouges

Histoire du Château de Carrouges

Edifié au Moyen Âge, le château de Carrouges a été construit et occupé pendant près de 7 siècles par la même famille qui a traversé guerres et révolutions. Passez sous son iconique châtelet d'entrée de la Renaissance, déambulez dans son parc et découvrez, au cœur de l'Orne, l'histoire passionnante d'un joyau de la Normandie qui à défié le temps.

Entre marais et forêts : un château en briques
Monument de briques roses et de granit, aux hautes toitures d’ardoises et ceint de douves, le château de Carrouges est le reflet de son environnement.

Domaine de 10 hectares en plein cœur du bocage, il est situé en contrebas du village, dans une ancienne zone de marécages qui constituait probablement une défense naturelle.

Ce sol argileux ainsi que la proximité de grandes forêts comme celle d'Écouves qui fournissent du combustible permettent la fabrication du matériau caractéristique du château : la brique.

Le châtelet : d'une Renaisssance à l'autre

Édifice iconique du monument, le châtelet d'entrée a traversé le temps, et les guerres... De la splendeur de la Renaissance aux combats pour la Libération, il témoigne de l'histoire séculaire du Château de Carrouges.

La première architecture renaissante de Normandie

On ne peut pas le manquer ! Le châtelet du domaine de Carrouges est un petit bijou d'architecture.

Photographié sous toutes les coutures par nos visiteurs, il est, sans conteste, la "carte postale" du monument.

Depuis le village il attire le regard, invitant à descendre dans le vallon. Petit bâtiment avec un corps central cubique dont le rez-de-chaussée est percé d'un passage, le châtelet marque l'entrée du parc Château de Carrouges.

 

Ses fenêtres richement décorées témoignent d'un art de transition entre le style gothique flamboyant et les premières formes de la Renaissance.

Édifié dans le premier tiers du XVIe siècle, il est considéré comme le premier exemple d'une architecture renaissante en Normandie !

 

En rose et noir 

Le châtelet fait aussi figure d'expérimentation : sur le domaine, c'est la première fois que l'on utilise un appareillage de briques roses et noires, permettant un jeu de motifs qui anime la façade (losanges, cœurs, chevrons).

Cette idée fera florès à Carrouges : elle est reprise cinquante ans plus tard pour la construction des ailes classiques du château, donnant à l'ensemble du domaine une unité de style malgré la longue période de construction.

 

 

Le caprice d'un cardinal...

On doit la construction du châtelet à Jean Le Veneur, évêque de Lisieux et cardinal. Il est le fils de Marie Blosset et Philippe Le Veneur de Tillières, seigneurs de Carrouges.

Ouvrez l'oeil !

Sur le bas des tours, les briques noires dessinent de manière stylisée la mitre et la crosse épiscopale. Mais le chapeau cardinalice n'apparaît pas : cela signifie que le châtelet est construit après que Jean Le Veneur a été fait évêque, mais avant qu'il soit élevé au rang de cardinal, soit entre 1505 et 1533

Le cardinal Jean Le Veneur n'est pas n'importe qui... Confident et conseiller du roi François Ier, abbé commendataire de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, il est un personnage éminent de la Renaissance. 

C'est lui qui présente Jacques Cartier au roi et finance son expédition vers le Canada. C'est lui aussi qui couronne la reine Éléonore en sa qualité de grand aumônier de France.

Ami des arts et des lettres, le cardinal est cité par Rabelais dans le livre IV de Pantagruel et Carrouges lui aurait servi de modèle pour son abbaye de Thélème où l’on goutte à profusion les joies les plus raffinées.

 

Tel le phénix...
Comme de nombreux châteaux en France, Carrouges, qui est propriété de l'État depuis 1936, est réquisitionné à l'approche du deuxième conflit mondial pour mettre à l'abri des œuvres d'art.

Le châtelet accueille ainsi pendant quelques mois des collections du Musée de Rouen.

En 1944, les combats pour la Libération sont rudes dans le bocage... Carrouges est sur la route de la désormais célèbre "2e D.B." du Général Leclerc.

Le château est aux premières loges : un incendie ravage entièrement la toiture du châtelet. Il renaîtra de ses cendres lors des grands travaux de restauration des années 1950.

Les origines : toute une histoire !

Là haut sur la colline...
1136 : Carrouges fait une entrée fracassante dans l'Histoire !

Ce verrou du Sud de la Normandie est attaqué par Geoffroy V Plantagenêt, comte d'Anjou et du Maine : Carrouges, défendu par un certain Gautier, subit un siège de trois jours. C'est la première mention du château dans une source historique.

L'emplacement de cette place-forte du XIIe siècle n'est pas certain : il est probable que ce premier site défensif se situait alors en hauteur, en haut de la colline, sur le site actuel du village de Carrouges. Il aurait était édifié quelques décennies après l'an Mil par le duc de Normandie Robert Ier, père de Guillaume Le Conquérant.

Et d'où vient son nom, Carrouges ? Entre légende aquatique et géographie antique, l'origine de ce mot a fait couler beaucoup d'encre...

Le théâtre du dernier duel


Un nouveau château dans les marais est érigé à partir de 1367, sur ordre du roi Charles V, pour renforcer les défenses de la Normandie face aux Anglais.

De cette époque, seul subsiste le donjon. C'est le noyau autour duquel se développera, au gré de ses propriétaires successifs, le château que l'on connaît aujourd'hui...

C'est aussi là qu'en 1386 vivent Jean IV de Carrouges et Marguerite de Thibouville, les deux protagonistes d'un événement sanglant qui fera date : le dernier duel judicaire. Un épisode historique porté à l'écran par Ridley Scott en 2021 !

La fin d'une ère et le début d'une autre

Les Blosset : vers un château de plaisance
La lignée masculine des Carrouges s'est éteinte avec Jeanne, la petite-fille de Jean et Marguerite de Carrouges. Le château passe alors par les femmes à la famille De Cagny d'abord, aux Blosset ensuite.

Jean Blosset est sénéchal de Normandie et grand chambellan du roi de France. Sans détruire le donjon, il entreprend des travaux qui améliorent drastiquement le confort de sa résidence dans laquelle il reçoit d'ailleurs le roi Louis XI en personne en 1473.

Desservie par une tour escalier, dont le sommet est occupé par un chartrier , l'aile dite "des Blosset" était composée d'appartements privés, de salles publiques de réception, d'une chapelle, d'une garde-robe équipée de latrines et de communs.

Les Le Veneur : une nouvelle famille...
A la fin du XVe siècle, bis repetita : Carrouges se transmet à nouveau par une femme. Marie Blosset récupère le domaine cédé par son frère Jean Blosset qui est sans descendance.

Elle est depuis 1450 l'épouse de Philippe Le Veneur de Tillières. Comme leur nom l'indique, les Le Veneur sont issus d'une lignée dont la charge honorifique était celle de "grand veneur", c'est-à-dire organisateur de chasses prestigieuses à la cour du duc de Normandie puis du roi de France.

Le château restera dans cette grande famille normande jusqu'en 1936 !

...au cœur de la Renaissance !
Le cardinal Jean Le Veneur, fils de Marie et Philippe, est un personnage de premier plan en Normandie et un confident du roi François Ier.

Il marque Carrouges de son empreinte en faisant entrer le domaine dans une nouvelle ère : celle de la Renaissance. Il fait élever entre 1505 et 1533 le châtelet qui marque l’entrée nord du domaine et qui est considéré comme la première architecture renaissante en Normandie !

Jean IX (neveu du cardinal) et son fils poursuivent l'embellissement du château et y reçoivent la reine Catherine de Médicis en 1570.

Des auteurs comme Rabelais et Machiavel s'inspirent des maîtres des lieux ou du château lui-même pour écrire certains de leurs ouvrages.

L'appareillage en briques de différentes couleurs crée des motifs de chevrons et de losanges qui animent les façades

Le château des Gabriel
Entre 1575 et 1653, plusieurs phases de chantier sont lancées pour donner au château l'envergure qu'on lui connaît aujourd'hui avec son aile des grands appartements, sa galerie, ses deux grands escaliers monumentaux et ses jardins ponctués de remarquables grilles en fer forgées.

Sans détruire les éléments anciens, les différentes parties du château sont habilement unifiées.

Ces travaux sont tous réalisés par les Gabriel, artistes normands originaires d'Argentan dont la dynastie embellira Paris et Versailles au XVIIIe siècle. Leur réalisation pour Carrouges en 1575 est même le premier chantier qu'on leur connaît !

Une demeure dans la valse du temps
Les derniers grands aménagements du château de Carrouges sont dus au général Alexis Le Veneur.

Ce personnage hors normes a traversé l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire et la Restauration.

Gendre de Madame de Verdelin, la protectrice de Jean-Jacques Rousseau, il participe avec enthousiasme à la Révolution, mais dénonce la Terreur. Son nom est gravé sur l’Arc de triomphe à Paris.

 

À Carrouges au début du XIXe siècle, on joue la comédie en famille ou des opéras en réduction et les bals sont fréquents. Pour s'adonner à ces plaisirs, Alexis Le Veneur fait construire une salle de fêtes à la place de la galerie.

Car le général fait souffler un vent de révolution sur sa demeure : la salle à manger est définitivement établie au premier étage, on déplace les cuisines, l'ancien pont-levis est transformé en pont dormant, l'étang est asséché, et on projette des aménagements de parc à l'anglaise. 

La chapelle de l'aile Blosset est même détruite : acte de civisme de la part de ce général révolutionnaire ? Ou parce qu'il envisageait de nouveaux travaux à cet endroit ?

Du château de famille au monument national
A la mort du général en 1833, c’est son fils Tanneguy VI qui hérite de Carrouges. Ses six enfants et leurs familles habitent au château, ce qui nécessite de nombreux aménagements, notamment dans les combles.

Tanneguy IX Le Veneur est le dernier propriétaire de Carrouges. En 1936, arrivé à l'âge de 54 ans, sans héritier et ne pouvant faire face aux lourdes charges du château classé Monument Historique depuis 1927, il le met en vente.

Ne trouvant pas preneur, le monument est acquis par l’Etat qui achète aussi une partie de son mobilier afin de maintenir le caractère vivant de cette grande demeure.

 

Au début de la Seconde Guerre mondiale, le Château de Carrouges sert de dépôt d'œuvres d'art pour les collections du Musée de Rouen. Situé sur la route Leclerc, il subit les combats de la Libération.

De grands travaux de restauration sont entrepris dans les années 1950, les douves remises en eau dans les années 1960 et le mobilier restauré par campagnes successives.

Depuis 2015 plusieurs chantiers sont menés sous l'administration du Centre des monuments nationaux : restauration des toitures, remise en eau de l'étang, requalification du petit parterre, restauration du pont dormant, reprise des sols en terre cuite de la salle des gardes, restauration de l'appartement de parade..

Aile Sud-est dite "des grands appartements"

Le château entouré de douves. Sur la gauche, le donjon du XIVe siècle reconnaissable à ses mâchicoulis sous la toiture.

Porche d'entrée de la cour intérieure du Château de Carrouges.



L'Orne en Résistances
Exposition en cours : Du 6 juin au 22 septembre 2024

(Re)découvrez au Château de Carrouges la vie de celles et ceux qui, dans l'Orne, se sont battus pour la liberté, il y a de cela 80 ans..

Présentation
Carrouges et son château sont loin des plages du Débarquement... Pourtant, à l'instar de nombreux lieux situés sur la "route Leclerc", les Ornais de ce petit coin de bocage connurent les combats pour la Libération, tout comme ils furent nombreux à s'engager dans la Résistance.

En écho à une exposition des Archives départementales proposée par la Commune de Carrouges et qui retrace l’histoire de la Résistance dans l’Orne, la Délégation militaire départementale 61 expose au Château de Carrouges des objets et fac similés témoignant de la vie de ces combattants et combattantes de la liberté, les faisant passer de l'ombre à la lumière.

Sont exposés : Costume d’un soldat américain de la 2e DB avec son casque, faux papiers, brassard des FFI, drapeaux, sans oublier les lettres et dessins du chef des FFI dans l’Orne : André Mazeline.

Les salles de chasse : une collection unique en Europe

Découvrez dans le château de Carrouges une collection de vénerie exceptionnelle ! En partenariat avec le Musée de la Chasse et de la Nature à Paris, le monument présente une collection rare qui révèle tout un art de vivre propre aux grandes demeures d’autrefois.

Carrouges : le château des le Veneur
L’histoire du château est liée à celle de la forêt d’Écouves où les seigneurs de Carrouges chassèrent durant des siècles et offrirent le spectacle sonore et visuel de la chasse à courre.

C'est aussi l'histoire de la famille Le Veneur dont le patronyme est directement en lien avec la charge honorifique que ces seigneurs occupèrent auprès des ducs de Normandie puis des rois de France en tant qu'organisateurs de leurs chasses.

L’éclat des trompes, la présentation des chevaux, la tenue impeccable des veneurs et les atours des invités de ces rendez-vous mondains font partie intégrante des traditions et des modes de vie des grandes familles des siècles passés.

La galerie des boutons et la collection Falandre
Emblématique de la chasse à courre, la tenue colorée est l’héritière des fastes aristocratiques de l’Ancien Régime et de l’Empire.

Dans ce vestiaire immuable des veneurs, le bouton tient une place particulière puisqu'il porte les symboles de chaque équipage. Devenus pièces de collection, ils évoquent plus de deux siècles d’histoire.

Les salles de chasse exposent une sélection parmi les 5000 boutons conservés au château.

ette collection exceptionelle présentée dans les salles du château est celle de Henry de Falandre et Hubert Férault de Falandre (1933-2003).

La famille Falandre est liée à la tradition de la vénerie dans le département de l’Orne depuis 1895. En 1946 Henry Férault de Falandre s’associe à Jean de Kermaingant pour fonder l’équipage Kermaingant qui chasse le cerf et le sanglier en forêts d’Ecouves et d’Andaines.

A la mort d’Henry en 1976, c’est son fils, Hubert Férault de Falandre qui prend sa suite. C’est un collectionneur et érudit qui a constitué une collection de boutons de vénerie unique en Europe allant du XVIIe au XXe siècle.

Cette collection fait aujourd’hui figure de référence pour les historiens

Attention au loup !
Dans la salle du loup et en écho aux emblèmes des veneurs, des moulages en plâtre de sculptures naturalistes et des animaux naturalisés rappellent que dans cette histoire la place de l'animal est centrale.

Maudit ou béni ? Au commencement était le nom "Carrouges"...

Château aux vertes douves, niché dans un vallon encerclé de forêts, son nom : Carrouges ! Entre histoire et légende, découvrez l’origine de ce toponyme qui sied si bien à ce monument en briques !

Il était 7 fois… ou l'histoire d'un amour maudit

La légende raconte que l’origine du mot Carrouges remonterait aux temps lointains des Mérovingiens, au VIe siècle de notre ère.

En ce temps là, vivent Ralph et Evelyne. Leur héritier a tardé à venir. Alors pour fêter le ventre enfin rond de la dame, une grande fête est donnée durant sept jours et une chasse somptueuse est organisée pour les invités dans les forêts alentours.

Tandis que Ralph poursuit une bête sauvage, il fait une rencontre au détour d’un ruisseau...

 

 

C'est une ondine, une nymphe des eaux, cousine des sirènes. Elle séduit Ralph que le cheval ramènera dorénavant tous les soirs à la rivière pour retrouver sa bien-aimée.

Mais, une nuit, Evelyne suit son époux et découvre la trahison.

Alors que la comtesse pense assassiner l’ondine, c'est Ralph qu'on retrouve sans vie au petit matin, poignardé dans la cour du château.

Et la malédiction de la fée ne s’arrête pas là : Evelyne meurt en couche en donnant naissance à un enfant roux, Karl, dont le front marqué d'une tâche couleur de sang rappelle l'infamie de sa mère et la malédiction jetée par l'enchanteresse. On l'appellera : Karl-Le-Rouge !

Et tous les héritiers mâles après lui porteront à leur tour la marque de la honte avant de voir finalement la lignée de la maison des Carrouges s’éteindre au bout de sept générations.

La vérité est ailleurs

Mais à la mythologie, les historiens préfèrent bien souvent l'étymologie... Alors « rouge » comme la couleur des briques ?

Pas du tout ! Carrouges vient en fait du mot latin « quadrivium » ou « cardo » qui signifie… carrefour ! Ce mot témoigne de la position géographique exceptionnelle du lieu situé aux croisements de voies importantes dès l’époque romaine, celles reliant Jublains à Lisieux et Avranches à Sées.

Au Moyen Âge, Carrouges continue d’être un point de passage fréquenté, notamment pour ceux qui font la route reliant Paris au Mont-Saint-Michel. En 1471, c’est au cours de ce voyage que le roi Louis XI fit halte au château, alors tenu par son grand chambellan Jean Blosset.

Jean Blosset ? Mais n’est-ce pas l’un des nombreux seigneurs de Carrouges dont la lignée s’est éteinte faute d’héritier mâle ? Carrouges, Blosset, Le Veneur : autant de familles qui se sont succédées au château et dont la maison est tombée en quenouille comme on dit alors. Troublante coïncidence...

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